Du milieu familial aux associations et au militantisme A Brétigny coule la Norge, qui donne une terre limoneuse de varennes facile à cultiver et qui produit bien. Gabriel est le dernier des huit enfants nés à la ferme de ses parents, comptant dix vaches laitières et de la polyculture (betterave sucrière et houblon). A 12 ans Gaby cultivait des fleurs et aidait dans les champs. Il en a gardé le goût d'une vie simple avec des valeurs paysannes et familiales : quasi-autarcie, frugalité et travail. Après des études secondaires en internat, il débute chez Thomson, puis devient chef d'équipe maintenance et technicien au bureau d'étude chez Nestlé. Habitant la ville, il découvre les jardins familiaux et cultive 150 m2 à Quetigny où il réside jusqu'en 2007. C'est en jardinant là que je l'ai connu : nous avons un intérêt commun pour le maraîchage bio et il est intervenu par la suite dans une de mes classes. Nous avons œuvré dans le noyau favorable aux pratiques culturales écologique rotations et associations de cultures, économies d'eau, compostage, macérations de plantes, création d'une mare. Gaby a été le moteur de toutes ces innovations dans nos jardins familiaux pendant 6 ans et membre du CA pendant 4 ans. Mais dans les années 2000, l'agroalimentaire est pris dans l'étau de la mondialisation, rien ne va plus dans le chocolat. Les compressions de personnel s'enchaînent et lui-même est licencié en juillet 2005. Heureusement, il avait déjà songé à sa reconversion comme paysan. Sa nouvelle base devient la ferme de Brétigny, chez ses parents, où il veut élever des lapins Fauves de Bourgogne, dont la chair est de haute qualité. Gabriel est formé par un ami jardinier, Jean-Pierre Drouet, spécialiste de l'élevage cunicole à l'ENESAD, puis il suit la formation BPREA(2) au CFPPA(3) de Quetigny pour bénéficier d'une installation aidée. La question de fond est connue. Est-il possible d'en vivre ? L'incertitude est réelle car ces lapins, sensibles, ne peuvent être rentables avant 2 à 3 ans, à raison de 600-700 bêtes /an. Le tournant de 2004, sa reconversion comme paysan Gabriel démarre à temps partiels (industriel et paysan) mais ce début est compliqué par son licenciement plus rapide que prévu. Les 30 premiers lapins sont logés en hâte dans un appentis non chauffé, d'où une mortalité élevée et les premiers doutes. Fin 2006 les animaux déménagent dans leur bâtiment définitif auto-construit, et une nette amélioration est constatée en 6 mois, d'où l'auto-construction du laboratoire d'abattage qui devient opérationnel en juillet 2008. En 2005, pour vivre et diversifier ses activités, Gabriel a créé l'AMAP des Varennes(4): un réseau de 15, aujourd'hui 20 et bientôt 28 familles, fournies en légumes, fruits frais ou en conserves familiales. "Moi, le samedi, je reçois un panier et j'en déduis un menu. J'apprécie les topinambours et je suis content que mes pommes de terre ne viennent pas de chez Carrefour déclare l'un des Amadiens à l'approche altermondialiste. Là, pas un seul maillon de la chaîne ne s'est sucré au passage!". En 2007 un verger de pommiers de 5000 m2 est loué pour les fruits, confitures et bocaux. La même année, une équipe d'amis défriche, range et rénove le lieu d'accueil désormais isolé par un enduit de chaux et chanvre. Gabriel y fabrique des toilettes sèches. Un 1/2 ha de vignes sont aussi à entretenir. En ajoutant les affouages pour la cheminée, depuis 5 ans, il lui faut être partout. Et les bonnes idées ne manquent pas, comme celle de s'initier à l'isothérapie végétale). En 2009 il suit un stage de traction animale et acquiert deux juments boulonnaises pour qu'elles remplacent le vieux tracteur. "Le bruit du moteur me casse les oreilles, dit Gaby, et quant au coût du carburant"! Il compte éviter de payer la taxe carbone. Aujourd'hui, les ventes directes dégagent un revenu modeste, un peu amélioré par la fabrication, en 2008, d'excellentes terrines de lapins aux girolles, vendues à la ferme et dans un magasin de producteurs proche. Mais des difficultés demeurent : terminer les chantiers en cours ; assurer plus de confort de l'AMAP ; remonter la yourte comme logement confortable et écologique ; trouver de nouvelles terres et du temps supplémentaire pour les cultiver; apprendre à mieux contourner les aléas entraînant chaque année de mauvaises surprises (mouche du poireau, jeunes plants dévorés par les poules, etc.). Malgré le renouvellement et l'augmentation du cheptel, l'élevage n'est pas encore rentable. Pour parvenir aux objectifs fixés depuis le début, il faudra dépasser les 450 lapins annuels actuels, dont le prix de vente couvre juste les dépenses. Gabriel s'accorde peu de repos, mais il ne se décourage pas. Le bilan qu'il fait est "mitigé, mais je ne regrette rien, mon métier m'apporte de grandes satisfactions autres que financières, de bons produits, des rapports humains, le contact avec les animaux et je n'ai pas de comptes à rendre à une hiérarchie". Il est indépendant, mais ce métier solitaire mêle étroitement vies professionnelle et personnelle et il soutient quotidiennement trois personnes âgées. Et l'avenir ? A ma question :"quels sont tes espoirs pour la suite ?", il répond :"En 2011, j'espère encore être paysan. Mes revenus sont plutôt précaires, 60%venant des paniers et 40% des lapins, ces pourcentages sont à inverser à moyen terme, l'élevage doit donc s'amplifier. Ensuite, je veux tendre vers l'autonomie, chauffer le bâtiment d'élevage au bois... plus de repos aussi, embaucher un saisonnier". Bon courage Gaby Le Président de Nature et Progrès 21 est un homme jeune, direct et accueillant, habité à la fois par un naturel bon vivant et une pensée critique couvrant à peu près tous les sujets de société, et particulièrement l'écologie au sens large. Aujourd'hui, il est fier d'être un paysan non productiviste. Un brin têtu, un brin rêveur, dans son métier Gabriel Vaudray garde son cap. |